NORMALIEN NON-BLANC / France : Pap Ndiaye nommé ministre de l’Education, un « anti-Blanquer » rue de Grenelle ?

Pap Ndiaye, un spécialiste de l'histoire des minorités et de l'histoire sociale des États-Unis remplace le très laïc et très techno Jean-Michel Blanquer. Un virage à 180 degrés.

Pap Ndiaye, un intellectuel normalien, à la tête de l’Education nationale

C’est un homme d’une gauche que l’historien Benjamin Stora qualifie de « moderne », c’est-à-dire très sensible aux questions des minorités. Un historien spécialiste de l’histoire sociale des États-Unis et tout récent directeur général du musée de l’Histoire de l’immigration : « Des quelques échos que j’entends, on le dit courtois, très gentil dans sa gestion » de la centaine de salariés du musée, raconte un proche. Cet intellectuel, normalien, ne présente pas la moindre expérience dans l’Education nationale, sa pratique de l’enseignement se cantonne à ses cours à Sciences-Po et à l’EHESS sur l’histoire afro-américaine et l’histoire des États-Unis – où il a longtemps vécu. Il s’intéresse également aux situations minoritaires en France.

Virage à 180°

De la part d’Emmanuel Macron, c’est un virage à 180 degrés, surtout après avoir choisi en 2017 un Jean-Michel Blanquer, parfait connaisseur de la rue de Grenelle pour y avoir été recteur et directeur général de l’enseignement scolaire, auteur de deux livres programmatiques sur le sujet. « En gros il faut faire plaisir aux profs, pas de vagues, pas d’emmerdes, pas de manifs, Ndiaye va se faire balader ou être mis sous tutelle par l’Elysée, subodore un haut fonctionnaire du ministère de l’Education nationale qui le connaît bien, Macron semble vouloir donner des gages à la gauche radicale et aux nombreux enseignants woke (progressistes). C’est un bon coup politique ». Parmi les huiles de la rue de Grenelle, ceux qui soutiennent les réformes de Blanquer craignent un détricotage en règle de la réforme du lycée : « Le choix de son cabinet sera déterminant », concluent-ils.

Pap Ndiaye sera-t-il l’anti-Blanquer, simplement chargé de distribuer des augmentations par ci, par-là et surtout de s’entendre avec les syndicats d’enseignants ? Il aura fort à faire, tant ceux-ci sont échaudés et rincés  par ce premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Quel positionnement observera-t-il par ailleurs sur les questions liées à la laïcité ? Jean-Michel Blanquer a tenu bon sur ces dernières et a souvent été présenté comme l’une des têtes pensantes de la macronie sur le sujet.

Racisme dans l’Etat

Il avait, par exemple, farouchement combattu  les ateliers en « non-mixité raciale » organisés dans le cadre d’un stage syndical de Sud-Education 93. Ces enseignants défendaient le fait qu’il existait un « racisme d’État » en France. Dans une interview  au Monde, donnée en 2017, Pap Ndiaye appelait à l’apaisement et défendait ces réunions « qui visent à rassembler ponctuellement des personnes qui ont en partage un ou plusieurs stigmates pour exprimer les difficultés en confiance et favoriser l’empowerment ». Et il assurait « qu’il existe bien un racisme structurel en France, par lequel des institutions comme la police peuvent avoir des pratiques racistes. Il y a du racisme dans l’État, il n’y a pas de racisme d’État », nuançait-il, considérant que Jean-Michel Blanquer avait eu tort de porter plainte contre Sud-Education.

Début février 2021, quand Frédérique Vidal a déclenché la controverse sur « l’islamo-gauchisme » à l’université, il a pris la parole sur France Inter pour asséner : « Ce terme d’islamo-gauchisme ne désigne aucune réalité à l’université. Ce qui me frappe surtout, c’est le degré de méconnaissance du monde politique des recherches qui sont menées à l’université en sciences sociales et en sciences humaines. »

Pour l’historien Benjamin Stora, à qui Pap Ndiaye a succédé au musée de l’immigration, « c’est un homme très posé, très sensé, toujours extrêmement calme ». Si le nouveau ministre de l’Education se présente comme un « pur produit de la méritocratie républicaine », il vient d’une famille « très intellectuelle », relève Stora. C’est le frère de la romancière Marie Ndiaye, sa mère était enseignante en sciences naturelles et son père ingénieur. Il a deux (2) enfants avec la sociologue Jeanne Lazarus, qui comme lui, enseigne à Sciences Po. Elle est spécialisée dans la sociologie de la banque.

Peu après l’annonce de la nomination de Pap Ndiaye, de nombreuses personnalités d’extrême droite ont critiqué ce choix. Pour Marine Le Pen, « la nomination de Pap Ndiaye, indigéniste assumé, à l’éducation nationale est la dernière pierre de la déconstruction de notre pays, de ses valeurs et de son avenir ». A l’inverse, du côté de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon a évoqué « l’audace » de la nomination de l’historien Pap Ndiaye que les « Insoumis » « saluent ».

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