Assassinat du journaliste Martinez Zogo au Cameroun : ce que l’on sait de l’arrestation de l’homme d’affaires Jean-Pierre Amougou Belinga

Ce lundi 6 février aux aurores, les gendarmes camerounais ont procédé à trois nouvelles interpellations dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat il y a une quinzaine de jours du journaliste camerounais Arsène Salomon Mbani Zogo alias Martinez Zogo. Ces arrestations concernent l’homme d’affaires et patron de presse Jean-Pierre Amougou Belinga, son collaborateur, le journaliste Bruno Bidjang, ainsi que son responsable de la sécurité, le colonel à la retraite Etoundi Nsoe.

L’information est tombée tôt ce lundi matin. La gendarmerie camerounaise a procédé à trois nouvelles interpellations aux premières heures de la matinée, dans le cadre de l’enquête préliminaire sur l’assassinat du journaliste camerounais Martinez Zogo.

L’arrestation de Jean-Pierre Amougou Belinga confirmée par le groupe L’Anecdote

Parmi les trois personnes interpellées, il y a l’homme d’affaires et patron de presse Jean-Pierre Amougou Belinga, son collaborateur, le journaliste Bruno Bidjang, ainsi que le colonel à la retraite Etoundi Nsoe, ancien commandant de la garde présidentielle et actuel responsable de la sécurité de Jean-Pierre Amougou Belinga. Dans un communiqué du groupe L’Anecdote, propriété de Jean-Pierre Amougou Belinga, publié ce lundi 6 février et signé Inès Arielle Zamo Belinga, chef de division de la communication du groupe, l’on peut lire ceci : « […] Il ne s’agit pas d’une rumeur. Monsieur Jean-Pierre Amougou Belinga, président du Groupe L’Anecdote a effectivement été interpellé ce lundi 6 février aux aurores […] »

Régulièrement cité comme pouvant être le commanditaire ou l’un des commanditaires de l’assassinat du journaliste Martinez Zogo, l’homme d’affaires Jean-Pierre Amougou Belinga fait l’objet de rumeurs insistantes d’arrestations depuis la semaine dernière. Tout en confirmant son arrestation cette fois-ci, le communiqué de presse publié par son groupe ce lundi précise : « Il n’a certes reçu aucune convocation. Mais il se trouve actuellement dans les locaux du Secrétariat d’Etat à la Défense dans le cadre d’une enquête. Il s’agit donc d’une procédure qui suit son cours ; Et nous savons que les enquêteurs ne font que leur travail. Pour éviter la désinformation et la dispersion, il est préférable de rester attentifs aux sources officielles qui pourrons nous informer sur l’évolution de cette situation tonitruante […] »

Cette arrestation nous a également été confirmée par Arnaud Froger, le responsable du bureau investigation de l’ONG Française RSF, « Reporters sans frontières », qui affirme qu’elle a eu lieu « vers six heures du matin, parce que la loi camerounaise interdit les interpellations de nuit, donc ça ne pouvait pas avoir lieu avant six heures du matin. Mais l’opération a été montée la nuit dernière, et il y a une cinquantaine de gendarmes qui ont participé à l’arrestation de Belinga [Jean-Pierre Amougou Belinga, homme d’affaires et patron du groupe L’Anecdote, NDLR], qui ne s’est pas laissé faire dans le sens où il n’a pas ouvert la porte. Donc, la porte a été défoncée, ils l’ont pris dans sa chambre et puis ils l’ont emmené au SED [Secrétariat d’Etat à la Défense, situé à Yaoundé, capitale camerounaise, NDLR]. » Les deux autres arrestations, celle de Bruno Bidjang et du colonel Etoundi Nsoe sont elles aussi confirmées par RSF.

Les révélations de Reporters sans frontières

Directeur de la radio Amplitude FM, Martinez Zogo enquêtait sur un scandale de détournements de centaines de milliards de francs CFA, et dans lequel serait impliqué des personnalités proches du pouvoir en place à Yaoundé. Et c’est dans sa très populaire émission, Embouteillage, qui était diffuée du lundi au vendredi, entre dix et douze heures, que Martinez Zogo disséquait les dossiers concernant notamment les scandales de corruption et de détournements de fonds publics. Avec une verve et un style volontairement provocateur, Martinez Zogo s’était imposé au fil des ans comme l’un des animateurs les plus populaires de la capitale camerounaise. Enlevé le 17 janvier, son corps nu et visiblement mutilé est retrouvé le dimanche 22 janvier, sur un terrain vague d’une banlieue de Yaoundé. Depuis, la vague d’indignation est telle que l’enquête s’est considérablement accélérée ces derniers jours.

Dans un communiqué publié le 2 février dernier, Ferdinand Ngoh Ngoh, ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République « porte à la connaissance de l’opinion qu’en exécution des très hautes instructions du président de la République, son excellence Paul Biya, une commission d’enquête mixte gendarmerie-police, a été mise sur pied, afin de faire la lumière sur l’assassinat du journaliste Arsène Salomon Mbani Zogo alias Martinez Zogo. » Le ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République, précise dans la suite de son communiqué : « Les investigations menées dans ce cadre ont à ce jour permis l’arrestation de plusieurs personnes dont l’implication dans ce crime odieux est fortement suspectée. D’autres restent recherchées. Les auditions en cours et les procédures judiciaires qui s’en suivront permettront de circonscrire le degré d’implication des uns et des autres et d’établir l’identité de toutes les personnes mêlées à un titre ou à un autre à l’assassinat de Martinez Zogo […] »

Si le communiqué de la présidence camerounaise ne fournit aucune indication sur l’identité des suspects interpellés, il n’en est pas de même du côté de l’ONG française Reporters sans frontières. Dans un communiqué intitulé « Assassinat du journaliste Martinez Zogo au Cameroun : révélations sur un crime d’Etat », comme lors de l’interview ce week-end sur notre antenne d’Arnaud Froger, le responsable de son bureau investigation, RSF parle d’une vingtaine d’arrestations de membres de la DGRE, la direction générale de la recherche extérieure, dont son patron Léopold Maxime Eko Eko, et son directeur des opérations spéciales, le lieutenant-colonel Justin Danwe.

« Selon Justin Danwe, écrit Reporters sans frontières, Jean-Pierre Amougou Belinga aurait asséné des coups au journaliste dans le sous-sol de son immeuble. L’homme d’affaires aurait alors appelé Laurent Esso, le garde des Sceaux dont il est proche, afin de lui demander quel sort réserver au présentateur radio. D’après ce témoignage, le ministre, un des hommes les plus puissants du régime, lui aurait alors répondu de « finir le travail » pour éviter une nouvelle affaire Paul Chouta, un journaliste laissé pour mort au bord d’une route l’année dernière, après avoir été passé à tabac par un mystérieux commando, qui n’a jamais été identifié. »

Source : TV5 MONDE

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