Affaire Sweet Beauty : Ousmane Sonko condamné pour « corruption de la jeunesse » , la rue s’embrase !

Au terme de ce procès qui tient en haleine le pays depuis plus de deux ans, Ousmane Sonko, le leader de l'opposition politique sénégalaise, par ailleurs maire de la capitale du Sud, Ziguinchor, a été condamné ce matin à une peine ferme de deux ans de prison pour « corruption de la jeunesse » (sic !). Dès l'annonce du verdict, la chienlit s'est installée dans la quasi totalité des villes du Sénégal. Les manifestants, majoritairement des jeunes, ont commencé à brûler et saccager tout ce qui leur tombe sous la main. A Ziguinchor, l'armée est sortie et s'est positionnée dans les artères du centre-ville, ce qui n'a pas l'heur de doucher les centaines de jeunes manifestants.

Nous sommes le 1er février 2021 lorsque, tard dans la nuit, en pleine pandémie du Covid-19 et sous couvre-feu, l’opposant sénégalais, Ousmane Sonko, alors député, se rend au salon dit Sweet Beauty, dans la banlieue dakaroise, pour se faire « masser le dos » en raison de « douleurs récurrentes ». En début mars, une jeune fille, répondant au nom d’Adji Raby Sarr, porte plainte contre l’opposant sénégalais pour « viols répétitifs et menaces de mort ». Le pouvoir se hâte dès lors de lever l’immunité parlementaire du leader du PASTEF / Les Patriotes et l’Assemblée convoque une séance plénière pour ce faire. L’arrestation de la figure de proue de l’opposition sénégalaise suffit à mettre le feu aux poudres et, durant trois (3) jours, la capitale et plusieurs villes sont à feu et à sang. Bilan des affrontements entre manifestants et Forces de Défense et de Sécurité (FDS) : 14 morts chez les jeunes et d’incommensurables dégâts matériels.

Le procès de la vertu d’Ousmane Sonko

Ainsi, après Karim Wade, l’ancien ministre sous son père de Président, Abdoulaye Wade, Khalifa Sall, l’ancien maire de la capitale, c’est au tour du principal opposant au régime de Macky Sall, de répondre devant la justice. Si les deux premiers, tous deux membres de l’opposition, ont été traduits en justice et condamnés pour des faits de prédation des deniers publics, l’ancien fonctionnaire des Impôts et Domaines, lui, doit répondre du crime infamant de viol. Tout semble indiquer que le Président Macky Sall mettait en œuvre sa promesse faite au début de son magistère en 2012 de « réduire l’opposition à sa plus simple expression ». Ousmane Sonko, qui avait assis sa réputation sur l’intégrité et le sens des valeurs morales, passait pour un adepte de la luxure et un violeur, doublé d’un violent.

Du crime de viol au délit socratique de « corruption de la jeunesse »

Comme l’a démontré le verdict d’aujourd’hui, disqualifiant les faits de viols répétitifs et les menaces de mort, il est difficile de trouver un seul élément probant à même d’asseoir l’accusation de la jeune Adji Sarr à l’encontre du leader politique. Lors du procès tenu le 23 mai en audience spéciale, le procureur avait fini par invoquer le crime de « corruption de la jeunesse » pour pallier au défaut de viol et de menaces de mort. Le juge, dans son délibéré aujourd’hui, s’est engouffré dans cette brèche du délit socratique qui, certes, existe dans le code pénal sénégalais, mais serait inopérant en l’occurrence. En effet, l’âge de la jeune fille même pose problème : elle aurait 21 ans sur un papier d’état-civil et 26 sur un autre. A considérer que l’édile de Ziguinchor ait entretenu des rapports sexuels avec la masseuse, comme celle-ci l’a soutenu lors du procès, ce qu’il réfute avec véhémence, le certificat médical établi par un gynécologue sur réquisition de la gendarmerie confortant Ousmane Sonko sur ce point, le délit retenu contre ce dernier est difficilement compréhensible.

De la « Caravane de la Liberté » d’Ousmane Sonko à la chienlit

Les crimes de viols répétitifs et de menaces de mort n’ayant pu être établis au terme de ce procès, le juge a, donc, retenu le délit de « corruption de la jeunesse », comme ce fut la cas il y a plus de 2500 ans dans le procès du père de la philosophie _ le juge ayant néanmoins retenu les faits de rapports sexuels « répétés », « obscènes » et « pervers », s’en limitant à la version de la masseuse, sans qu’aucune donnée scientifique ne vienne corroborer ceux-ci. L’étrangeté de ce verdict est d’autant plus criarde qu’hier, s’est tenu un « dialogue national » au Palais de la République à l’instigation du Président Macky Sall. Aussi bien, l’on s’attendait à une mesure de décrispation à l’issue de ce fameux procès. D’autant plus que l’opposant sénégalais, Ousmane Sonko, a déjà été condamné en appel le 08 mai dernier lors du procès pour diffamation et diffusion de fausses nouvelles intenté contre lui par l’actuel ministre du Tourisme et ci-devant directeur de cabinet politique du Président Sall.

Après cette condamnation (6 mois avec sursis après une condamnation à 2 mois  en première, dont le procès était émaillé de bout en bout de violations flagrantes des droits d’Ousmane Sonko (caillassage des vitres de sa voiture par les FDS, embarquement manu militari dans un fourgon, barricade de son lieu de résidence à Dakar, etc.), l’éligibilité de l’opposant était fortement remise en cause, en attendant la décision de la Cour de cassation. Mais cela ne semble pas suffire aux tenants du régime qui veulent coûte que coûte évincer Ousmane Sonko de la Présidentielle du 24 février prochain dont il serait le grand favori au vu des foules qu’il draine, bien plus que le Pape du sopi du temps de sa splendeur.

N’en finissant pas de dénoncer une « justice aux ordres » et convaincu ‘une décision à ses dépens, le président du PASTEF / Les Patriotes s’était retranché dans son fief de Ziguinchor où ses partisans avaient bloqué toutes les issues menant à son domicile, interdisant ainsi son éventuelle interpellation. Ragaillardi par ce succès apparent, interprété par d’aucuns comme une défiance à l’égard de l’Etat, Ousmane Sonko avait initié le vendredi 26 mai une caravane dite de la liberté qui devait le conduire du sud vers la capitale où il appelait à un « thioki fin, en wolof argotique » (la bataille finale).

La folle journée du 1er juin 

« La Caravane de la Liberté » de Sonko, partie de Ziguinchor et drainant des foules monstres sur son passage, a dû être écourtée après près de 400 km d’un parcours jalonné par les gazages et arrestations de militants du PASTEF, Ousmane Sonko ayant estimé avoir déjà atteint ses objectifs et redoutant aussi « un traquenard », comme il en aurait été prévenu. Le dimanche dernier, il a été interpellé dans le département de Koungheul (région de Tambacounda) et ramené à Dakar de force par une escouade de gendarmes armés jusqu’aux dents. Une fois dans la capitale, il a été assigné à résidence dans son quartier de Keur Gorgui, transformé à l’occasion en bunker par les FDS avec force barricades, check-points et une interdiction d’entrer ou de sortir (les membres de l’opposition regroupés au sein du F24, dont fait partie le PASTEF, partis visiter leur allié ont été gazés, leur Coordonnateur et par ailleurs patron du mouvement Y En A Marre a même arrêté et traîné dans le panier à salade).

Ousmane Sonko, depuis son séjour ziguinchorois, en appelait à la résistance des Sénégalais, les jeunes en particulier, contre « la dictature » du Président Macky Sall. Son appel a, semble-t-il, été entendu puisque dès après la publication du verdict le condamnant à deux de prison ferme pour « corruption de la jeunesse », toutes les grandes villes du pays ont été prises d’assaut par des milliers de jeunes, brûlant et saccageant tout sur leur passage. Aux dernières nouvelles, on compte déjà quatre (4) du côté des manifestants et e un agent des FDS tué. Et jusque tard dans la soirée; les manifestations n’ont pas faibli et on craint le pire dans les jours et mois à venir, la bataille contre un éventuel troisième mandat du Président Macky Sall se révélant comme la mère des batailles au Sénégal.

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