DANS LES CALES DU HOLLANDAIS VOLANT / Johnny Depp contre Amber Heard : récit d’une autodestruction mutuelle sous les yeux du monde entier

L’ex couple star d’Hollywood se déchire depuis le 11 avril dans un procès en diffamation diffusé en direct sur les chaines d’informations américaines, devant des millions de téléspectateurs qui se délectent des potins qui en ressortent... entre deux récits de violences conjugales.

Pour se rendre à Fairfax depuis Washington, il faut traverser le fleuve Potomac. Rouler 40 minutes vers l’Ouest, jusqu’à ce que les immeubles laissent place aux arbres. Au centre de cette ville pavillonnaire américaine, un parterre de stars défile sous les trois grandes arches d’un bâtiment ancien, en brique. Los Angeles est à 4 300 kilomètres, pourtant tout Hollywood est là. James Franco. Paul Bettany. Ellen Barkin. Même le milliardaire Elon Musk y a été photographié.

Le casting est glamour et les caméras présentes en nombre mais Fairfax n’abrite ni tournage, ni cérémonie des Oscars. À l’intérieur du tribunal de la ville se déroule, jusqu’au 20 mai, le procès en diffamation qui oppose Amber Heard et Johnny Depp, véritable drame conjugal et feuilleton voyeuriste à l’audience planétaire – les procès sont diffusés à la télévision américaine depuis 1959. Depuis le 11 avril 2022, l’ancien couple d’acteur se déchire et les médias s’en délectent.

Témoignages intimes, attaques personnelles, diffusion de vidéos et de SMS privés… Les deux acteurs égrènent une nouvelle fois de douloureux souvenirs conjugaux aux yeux du monde après un précédent procès en diffamation à Londres en 2020, ultra-médiatisé lui aussi. Le personnage principal de Pirates des Caraïbes reprochait à la société éditrice The Sun un article le qualifiant de « mari violent », un qualificatif « substantiellement vrai » selon le verdict de l’époque.

L’acteur de 58 ans accuse cette fois-ci son ex-femme d’avoir tenu des propos diffamatoires dans une tribune publiée dans le Washington Post en 2018. Suite au mouvement #MeToo, Amber Heard, de 22 ans la cadette de Johnny Depp, connue pour ses rôles dans « Danish girl » et « Aquaman », avait publié en 2018 une tribune dans le Washington Post dans laquelle elle se décrivait comme une « victime de violences conjugales », sans nommer Johnny Depp.

Des disputes, il y en a bien eu durant les deux ans de vie commune du couple star, rencontrés sur le tournage de Rhum Express et marié en 2015. Les deux acteurs prennent d’ailleurs rapidement l’habitude de réserver une chambre supplémentaire lorsqu’ils voyagent, pour se survivre l’un à l’autre. Dès 2016, Amber Heard demande une ordonnance de protection pour tenir Johnny Depp à distance. Elle affirme avoir été frappée par l’acteur, avant de renoncer à ses accusations dans le cadre de leur divorce, conclu avec fracas et un chèque de 7 millions de dollars en 2017.

Depp s’agite, casse la vaisselle et s’enivre

Sauf qu’aujourd’hui, Johnny Depp nie avoir jamais levé la main sur Amber Heard et réclame 50 millions de dollars de dommages et intérêts pour une publication et des allégations qui lui auraient « tout » coûté, contrats, réputation et relations amicales. Assurant en retour qu’il lui avait infligé « des violences physiques et sexuelles constantes », Amber Heard a également saisi la justice et exige 100 millions de dollars.

Qui ment ? A priori, personne. À grand renfort de témoignages et d’enregistrements, ces deux accusations réciproques semblent en effet chaque jour se légitimer, autant l’une que l’autre.

Du côté du père de Lily-Rose Depp, les téléspectateurs du monde entier ont en effet pu le découvrir casser sa vaisselle et son mobilier, jurer et s’enivrer, dans une vidéo enregistrée à son insu et diffusée par les avocats d’Amber Heard pour étayer les violences conjugales. « Je passais un mauvais moment, mais je ne l’ai pas touché », s’est défendu l’intéressé. Et de s’épancher sur son enfance difficile, sa mère « violente » et dépressive.

Pour étayer les colères et les addictions de Johnny Depp, les avocats d’Amber Heard ont lu de nombreux SMS, adressé à ses proches. « J’ai (…) bu la moitié d’une bouteille de whisky, deux de champagne, 1 000 cocktails vodka-Red Bull et pris des pilules ». « Je vais baiser son cadavre brûlé après coup, pour m’assurer qu’elle est morte ». Sous les arches du tribunal de Fairfax, l’intéressé rétorque, malin : « C’est juste de l’humour irrévérencieux et abstrait (…), une référence au Monty Python ».

Le « monstre », victime de sa femme

À l’issue de ces premières semaines, c’est pourtant l’image d’Amber Heard qui semble la plus écornée. Dépeint en « monstre »  au début du procès, Johnny Depp n’a en effet cessé d’insister sur la violence et l’instabilité de son ex-compagne. « Cela pouvait commencer par une gifle, une bousculade. Elle m’a jeté une télécommande à la tête, un verre de vin au visage (…) Elle s’est approchée de moi et a attrapé la bouteille de vodka. Elle a reculé et l’a lancée vers moi », a narré Johnny Depp, en mimant la scène. Avant d’affirmer que l’actrice avait « un besoin de conflit, un besoin de violence » et qu’elle avait menacé de se suicider s’il la quittait.

Dans un audio diffusé, on entend également Amber Heard dire à Johnny Depp : « Dis-le au monde Johnny. Dis-leur : moi Johnny, un homme, je suis victime de violences conjugales. Et on verra combien de personnes te croiront et seront de ton côté. »

D’après les conclusions d’une psychologue embauchée par les avocats de Johnny Depp, Amber Heard éprouverait une « peur panique de l’abandon » pouvant conduire à des épisodes violents et irraisonnés menant à « des comportements abusifs envers d’éventuels partenaires ». Johnny Depp raconte avoir découvert ses défections sur son lit, après une dispute. Amber Heard écoute et prend des notes. Son témoignage n’a toujours pas été recueilli.

La thérapeute du couple atteste d’une relation « mutuellement abusive ». Du fait de Johnny Depp et d’Amber Heard. « Elle commençait les disputes. Elle engageait la violence. Elle relevait le défi s’il commençait. De mon point de vue, cela s’est établi tout au long de leur relation – le fait qu’elle luttait aussi fort que lui. Et il essayait de désamorcer la situation bien plus qu’elle ne l’a fait », a décrit Laurel Anderson.

Les médias se délectent

Un grand déballage ponctué de potins sur le gratin américains dont se délectent certains médias : « Ces deux-là se distribuent attaque sur attaque, à l’image de leur relation. Les dégâts sont réels », se gargarisait Vinnie Politan ce mardi dans l’émission Closing arguments qu’il anime sur Court TV, une des chaînes américaines qui se sont mises à diffuser les procès en continue et en direct, à partir des années 1990. « Ce n’est même pas une affaire criminelle, ce n’est que du civil », s’émerveillait-il, devant la violence des échanges. Sur YouTube, l’ancien couple de stars captive en effet des centaines de milliers d’internautes, en temps réel.

Une particularité toute américaine. « Aux États-Unis, le juge peut autoriser la diffusion des procès devant les juridictions fédérales. Plusieurs affaires ont ainsi été suivies par des centaines de millions de téléspectateurs, comme celle d’O.J Simpson, footballeur américain accusé d’avoir tué son ex-femme », nous explique Anne Deysine, juriste et auteure de plusieurs ouvrages sur la cour suprême. Selon elle, « une partie de l’opinion estime que cela permet de mieux comprendre le fonctionnement judiciaire… et ceux qui s’y opposent considèrent que cela incite au déballage ». Un terme qui n’est en tout cas pas galvaudé.

Source : Le Parisien

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