Sur les pas d’un géant des Universités, le Professeur Alioune Kane (Par Pr Awa NIANG FALL)

Mesurer la taille d’un Hydrologue géant, ou l’Hydrologie Continentale au Sénégal et en Afrique de l’Ouest mesurée à partir des travaux du Professeur Alioune Kane, c'est l'exercice auquel s'est assujettie la professeure Awa Niang Fall, Professeur titulaire d’Hydrologie Continentale au Département de Géographie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et disciple assumée de cet éminent homme de science dont elle a hérité de la chaire.

Je m’appelle Awa NIANG FALL, Professeur Titulaire d’Hydrologie Continentale au Département de Géographie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar… mais si vous le voulez bien, appelez-moi simplement la fille spirituelle, la sœur, l’amie inconditionnelle, la compagne de voyages et d’aventures scientifiques incommensurables du Professeur Alioune KANE.

Non, appelez-moi plutôt Professeur KANE, s’il vous plait, je l’exige !
Vous vous demandez sans doute pourquoi !
Les raisons sont pourtant bien simples, bien évidentes pour ceux qui nous ont vus cheminer ensemble depuis près de trente ans, un peu partout à travers le monde, à défendre la noble cause de la connaissance, de la gestion et de la préservation des ressources en eau de notre pays et, même au-delà, de notre continent, du monde tout simplement.
Oui, mes raisons sont évidentes et vous les comprendrez aisément lorsque j’aurai mesuré avec vous la taille titanesque de ses travaux, personnels d’abord puis ceux qu’il a encadrés avec tellement de cœur, tellement de générosité au cours des trente dernières années.
Pour paraphraser le Professeur Jean-Paul VANDERLINDEN et, par la même occasion, faire un clin d’œil à l’un de ses derniers grands chantiers scientifiques, je vous invite tout simplement à venir tenter avec moi de mesurer la taille du Professeur Alioune KANE.
D’ailleurs, comment mesurer la grandeur d’un chercheur, d’un universitaire ?
Une question à laquelle il est extrêmement difficile de répondre tant les référentiels sont nombreux : CAMES, CNU, HCERES, ANAQ-Sup et que sais-je d’autre !
Mon référentiel à moi -et je suis sûre de le partager avec beaucoup de mes collègues- reste tout le capital humain, toute la simplicité et l’humilité que dégage cet homme combien inconnu de beaucoup de ses pairs. Je peux cependant vous assurer que tous ceux qui prennent le temps de le connaitre, deviennent ses inconditionnels, et pour toujours.
Alors, par où commencer pour mesurer la taille de ce grand homme ?
Quelle échelle utiliser ? Temporelle ? Spirituelle ?
Ou simplement relater les faits, les actes, les actions tels qu’en eux-mêmes ?

Courte biographie du Professeur Alioune KANE
Il se dit toujours grand ‘‘ de par la taille ’’ et directeur de ‘‘ ses propres affaires ’’…
Voilà qui vous dit tout sur cet homme discret comme pas un, d’une courtoisie inégalable et, surtout, d’un grand humanisme, formateur chevronné et chercheur hors pair.
Lorsque j’aurai fini de décliner son identité, vous comprendrez de vous-même combien cet homme est grand et pourquoi tous ceux qui le connaissent vraiment ne peuvent que l’aimer définitivement.
Né le 12 décembre 1952 à Mbour sur le littoral sénégalais d’un père Halpular et d’une mère Lebou, c’est finalement sur les bords de mer qu’il finira sa carrière après s’être promené sur tous les lacs, tous les fleuves, toutes les rivières de ce pays, du lac Mbawane, son premier chantier, le fleuve Sénégal, son inconditionnel amour, jusqu’au Delta du Saloum, son aire de jeux et sa bulle d’oxygène.
Des générations d’étudiants du DEA de la Chaire UNESCO, devenu par la suite Master GIDEL, se sont souvent rendus à Mbour sur le site de l’Observatoire du Littoral, sans jamais comprendre la double symbolique que cela représentait pour lui : à la fois Terre de sa maman adorée et son Royaume d’enfance, tout simplement.
Aujourd’hui, l’enfance est loin, la maturité est bien installée mais le bilan est là ! Quarante années au service de l’éducation, la recherche et la formation au Sénégal, en Afrique, en Europe et un peu partout à travers le monde…

Un homme au grand cœur !
Ceux qui l’ont pratiqué, ceux qui le connaissent réellement savent que c’est un travailleur acharné, infatigable, un grand cœur, généreux de son savoir et de son temps, très respectueux de son prochain et, surtout, qui n’a pas la grosse tête et ne se prend surtout pas la tête.
Professeur Alioune KANE est, simplement et humblement, un être humain d’une grande qualité. Je garderai toujours en tête la leçon d’humilité qu’il nous a donnée à tous lorsque nous l’avons vu balayer et passer la serpillière dans son bureau, le sourire aux lèvres et en refusant toute aide de notre part !
Tout comme je n’oublierai jamais ce jour de septembre 2013 à Abidjan lors des Doctoriales du Programme Horizons Francophones de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) où, à l’inverse de ses collègues professeurs dont les sacs étaient tenus par leurs doctorants, il a marché derrière nous, moi et ma collègue et amie, Diatou Thiaw, en tirant nos sacs et en s’excusant des conditions dans lesquelles on avait été mises, nous les grandes dames, comme il aime à nous appeler.
En bien d’autres occasions, ce grand monsieur nous a prouvé à tous sa simplicité, son humilité ; il nous a émerveillés de par son aura qu’il a délibérément choisi d’ignorer, pour rester à notre portée et nous tirer toujours vers le haut, en toutes circonstances.
Aujourd’hui, pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, j’ai donc décidé, en accord avec plusieurs générations de géographes, d’hydrologues et de spécialistes de la gestion du littoral et de la gestion intégrée des ressources en eau, de mesurer sa taille.

Un grand homme de science
Mesurer la taille du Professeur KANE ai-je dit ? Allons-y !
Mais des semaines, des mois, des années n’y suffiront pas… Cependant, essayons, avec ce que nous avons saisi de son Curriculum Vitae.
⦁ Une cinquantaine de thèses encadrées (thèses de 3e cycle, thèses d’État, Doctorat Unique) dont une vingtaine en cotutelle et un nombre innommable de mémoires de maîtrise, de DEA et de Master ;
⦁ De très nombreuses participations et accompagnement à l’habilitation CAMES d’enseignants chercheurs et chercheurs de l’UCAD et des autres universités et institutions de recherche sénégalaises, mais pas que ;
⦁ Lead d’une trentaine de projets de recherche nationaux et internationaux ;
⦁ Participation à une multitude de sociétés savantes ;
⦁ Des centaines de milliers de kilomètres parcourus sur terre, en mer et dans les airs, presque jamais pour son propre plaisir mais toujours au service de la science, au service de son université, l’UCAD, et de la recherche tout simplement ;
⦁ Acteur de premier plan de la recherche hydrologique et hydrodynamique sur l’après-barrage dans le bassin du fleuve Sénégal ;
⦁ Précurseur de la réforme des études doctorales à l’UCAD avec le lead et la gestion de tout le processus de montage de l’École Doctorale « Eau, Qualité et Usages de l’Eau » ;
⦁ Leader régional des sciences et technologies de l’eau avec le réseau ouest-africain des centres d’excellence du NEPAD ;
⦁ Porte drapeau de la GIZC avec le Master Chaire UNESCO sur la Gestion Intégrée et le Développement Durable du littoral ouest-africain ;
⦁ Professeur Titulaire de Classe Exceptionnelle en Hydrologie Continentale du CAMES et inscrit sur la liste d’aptitude du CNU en France depuis 2003 ;
⦁ Officier dans l’ordre national du mérite sénégalais,
⦁ et peut-être même d’autres titres que nul ne soupçonne, tellement discret il est.
En plus de cela, un nombre incalculable de participations à des jury de thèses de l’EDEQUE, des autres écoles doctorales de l’UCAD – mais aussi des autres universités du Sénégal, de la sous-région ouest-africaine, de France, Belgique, Canada et du monde entier-, de mémoires de Maîtrise, de DEA, de mémoires d’ingénieur et de Master.

Un voyageur, un missionnaire infatigable, toujours au bénéfice de la Science
Je ne saurai certes pas énumérer tous ses voyages à travers le monde en quête de science et de savoir, mais je me souviens de chacune de nos missions communes. Ce furent de grands moments de partage, des moments qui ont contribué à solidifier le profond respect que j’ai pour cet homme.
Cela témoigne, si besoin en est, de ces moments passés ensemble aux quatre coins du monde, en quête de connaissances et de partage, et toujours comme ambassadeurs de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
De nombreux voyages qui nous ont enrichi tous les deux et conforté dans la pensée, la conviction qu’il faut aller chercher le savoir partout, jusqu’en Chine s’il le faut…

Pr Awa Niang Fall et Pr Alioune Kane devant les Chutes mythiques du Lac Victoria

Au-delà de tous ces endroits visités ensemble, il s’est également rendu un peu partout en Europe (Belgique, Luxembourg, Allemagne, Suède, Suisse, Norvège, Finlande, Russie, Espagne, Italie, Portugal…), en Afrique (Égypte, Maroc, Algérie, Cameroun, Congo, Tanzanie, Namibie, Botswana, Mali, Mauritanie, Gambie, Gabon, Cap-Vert, Niger, Zimbabwe…), en Asie (Japon, Chine, Vietnam, Inde…), en Amérique (États-Unis, Canada, Haïti…) et jusqu’en Océanie (Sydney, Melbourne…).
Pourtant, ces voyages n’ont pas toujours été de tout repos, ni même une partie de plaisir. Bien souvent, cela a été d’aventureuses épopées, de bien difficiles trajets mais toujours des moments d’incommensurable partage, des moments de complicité qui resteront toujours gravés dans mon esprit. Je peux citer quelques moments choisis parmi des milliers :
⦁ Ile-Ifé au Nigéria, qu’avons-nous réellement mangé cette nuit de 2007 dans ce restaurant où son ami camerounais, Tamassang, nous avait conduits ?
⦁ En route pour Brest, que dire de notre frénésie à tous les deux de changer nos sièges pour aller dans le fond de l’avion alors que nous avions des places tout simplement business classe ! Et cette arrivée à Brest le matin du 10 mars 2014, l’inoubliable parfum Si de Giorgio Armani que j’ai reçu ce matin-là en guise de cadeau d’anniversaire. Un trésor qui même vide reste à jamais un trésor, mon trésor.
⦁ 2015 : En route pour l’Ile Maurice, deux nuits inoubliables à errer dans l’aéroport de Cape Town, à tourner dans les restaurants dont les banquettes nous servaient de lit le soir. Et cette humanité qui consistait à vouloir me payer des nuitées d’hôtel et à rester dormir sur les bancs de l’aéroport.
⦁ Addis Abeba, 2016, deux jours à errer d’hôtel en hôtel alors que nos bagages sont déjà à Cape Town. Simplement une erreur de coordination de la part de Ethiopian Airlines.

Carte des nombreux voyages d’études en compagnie du Pr Alioune Kane

Tous ces moments partagés (v. Carte ci-dessus) nous ont rapprochés et ont conforté l’immense respect mutuel que nous avons l’un envers l’autre. Et surtout, notre complicité scientifique s’en est trouvée renforcée et surtout pérennisée.

Merci et Bravo Professeur !
J’aurai aimé remercier le Professeur KANE mais j’ai bien peur que de simples mots ne sauraient suffire. L’accompagnement, le soutien et la confiance sans failles qu’il me prodigue et me porte depuis l’époque du Programme EQUESEN et du Laboratoire de Géochimie de l’ORSTOM, font aujourd’hui partie intégrante de mon patrimoine scientifique, de mes biens les plus précieux. Trente ans plus tard, je me souviens encore de la haute estime où le plaçait feu Jean-Yves GAC, ainsi que ses collègues du Laboratoire, François-Xavier COGELS, Michel CARN, Didier ORANGE et tant d’autres chercheurs de passage. Cette rencontre suscitée par le Maître Professeur Mamadou Moustapha SALL, qui m’y a envoyée en stage dans le cadre de la préparation de mon diplôme de DEA, a été un événement marquant dans ma vie.
J’étais aux premières loges lors de la soutenance de sa thèse de doctorat d’État et cela m’a beaucoup inspirée pour la suite de ma carrière de chercheure.
Cette confiance qu’il a placée en moi, au quotidien constitue une véritable force mais également un énorme défi. Un défi parce que soucieuse de marcher sur ses pas, de continuer à mériter sa confiance et perpétuer cette si précieuse amitié à mes yeux.
Ma plus grande fierté, c’est cette véritable complicité scientifique qui nous unit et que j’espère mériter pour mieux la conserver. Je ne puis le rendre milliardaire, ni même millionnaire mais je puis l’assurer que mon respect, ma reconnaissance lui sont à jamais acquis en tant que fille spirituelle, titre que je revendique.
Mais, je suis cependant désolée d’avoir raté mon exercice… je n’ai simplement pas eu un mètre-ruban assez grand ou assez long pour le mesurer !
Finalement, il mesure plus qu’on ne peut mesurer, c’est un géant et je suis fière d’avoir un jour croisé son chemin et depuis de cheminer à ses côtés.
Puisse Dieu lui accorder de très longues et très belles années, en excellente santé, toujours de bonne humeur et prêt pour de nouvelles aventures scientifiques.
Machallah !
Dieureudieuf !

Pr Awa Niang Fall, titulaire de la Chaire d’Hydrologie Continentale à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (awa10.fall@ucad.edu.sn) 

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