RIO WHO’S WHO / Gorgui Yacine Boye, le baroudeur de la Poste !

Il s'est fait connaître du grand public à la faveur d'une page facebook qui a fait tâche d'huile lors du procès dit de la reddition des comptes intenté par l'Etat du Sénégal contre Karim Wade, le fils de l'ancien président de la République, Me Abdoulaye Wade, qu'il a défendu becs et ongles quand, sous le feu de la deuxième alternance politique de 2012, une grande partie de l'opinion applaudissait la chute de celui qui fut considéré, sous le magistère de son père de président, comme le tout puissant ministre de la Terre et de l'Air. Lui, c'est Gorgui Yacine Boye, postier dans le sang et défenseur, devant l'Eternel, des causes perdues. Portrait d'un Rufisquois pur jus qui a fait ses armes dans les mouvements communautaires avant de faire le grand saut de la politique.

Lorsqu’en 2012, le nouveau pouvoir issu de la deuxième alternance politique au Sénégal désigne une fourchette de 25 responsables de l’ancien régime à la vindicte populaire et ouvre à leur encontre une instruction judiciaire devant la Cour de Répression de l’enrichissement illicite (CREI), ressuscitée pour la circonstance, ils sont très peu nombreux à s’élever contre ce procès dit pompeusement de la reddition des comptes qui devait sanctionner les « 12 ans de gabegie de l’ère Wade ».

Pourtant, un cadre de la Poste se fait remarquer sur les réseaux sociaux par son opposition ouverte à cette cabale qui vise particulièrement Karim Wade, le fils de l’ancien président de la République que son père avait adoubé au poste de ministre d’Etat, ministre des Transports terrestres et aériens, des Infrastructures et de la Coopération internationale. En effet, de la bande des 25 responsables libéraux retenus pour rendre gorge de la gestion passée du régime de Wade père, Karim sera le seul à être traduit devant la CREI et, finalement, condamné.

Sur sa page facebook, Gorgui Yacine Boye, BG pour les intimes, mène un combat sans répit contre cette politique du deux poids deux mesures. A tel point que certains le soupçonnent de faire partie de la Génération du Concret, ce mouvement de soutien à l’ancien ministre d’Etat censé l’accompagner dans sa « marche vers le sommet  » – le credo dudit mouvement. Mais que nenni !

S’il est resté un fervent wadiste, qui tient l’ancien Président Abdoulaye pour une idole et un modèle pour le Sénégal et l’Afrique, BG ne s’engage dans ce combat que par conviction. « Je suis un homme de conviction », n’a-t-il de cesse de seriner à ceux qui veulent bien l’entendre. Jeune déjà, il avait fait montre de cet engagement à l’endroit du Pape du Sopi dont les discours pour le changement (sopi en wolof) et l’avènement d’une vraie démocratie l’avaient séduit.

En 1988, il fait partie de ces centaines de milliers de jeunes qui sillonnent les rues du pays au cri de ralliement du sopi. Il était tout juste en Terminale et venait juste d’avoir l’âge de voter. Il n’a pas démordu de ce combat jusqu’à la première alternance politique du pays qui conduit Me Abdoulaye Wade à la magistrature suprême en l’an 2000. Pourtant, jusqu’à cette date, il ne milite formellement dans aucun parti politique mais adhère, comme l’immense majorité des jeunes Sénégalais, au discours du changement politique.

Le grand saut en politique

Douze années d’une gouvernance mi-figue mi-raisin et au terme desquels les fruits n’ont pas tenu les promesses des fleurs n’ont en rien émoussé l’admiration de BG pour le vieux président. Aujourd’hui encore, il le tient en très haute estime et tient ses thèses économistes et panafricanistes pour une panacée.

Pourtant, à quelques encablures de la Présidentielle de 2019, il se laisse quelque peu tenter par l’appel de l’ancien ministre de la Justice (revenu aux affaires à la faveur des Législatives de juillet dernier), son « grand frère » du quartier de Keury Souf qui l’a vu naître et qui aurait des ambitions pour la vieille ville de Rufisque. L’homme hésitant à sauter résolument le pas, BG, au détour d’une émission de Pape Alé Niang sur la 2STV, fait la connaissance d’un certain Ousmane Sonko, le fondateur du parti Pastef et aujourd’hui opposant le plus en vue au régime de Macky Sall. C’est le déclic ! Convaincu par le discours de l’ancien Inspecteur des impôts et Domaines, radié de la Fonction publique pour avoir officiellement failli à son devoir de réserve, BG pense s’engager à ses côtés.

Il ne fera tout de même le grand saut qu’au début de l’année 2020. Il prend une carte du Pastef après la défaite d’Ousmane Sonko à la Présidentielle de 2019 et met en place, avec quelques amis, une cellule dans son quartier de Médine, puis intègre la section des Patriotes de son patelin. A croire que, comme son idole, il a l’ADN d’un éternel opposant. L’ancien président de l’association culturelle et sportive éponyme se fait vite remarquer dans les instances de Pastef au point d’intégrer l’instance des cadres et de se présenter aux primaires pour les élections locales de janvier dernier. Beau joueur, il ne manquera pas de soutenir activement le candidat de Pastef retenu à ses dépens et celui de la coalition de l’opposition, Yewwi Askanwi, qui sortira, in fine, victorieux de la course à la mairie de Rufisque.

Cet engagement politique nouveau n’obère en rien son engagement syndical au sein de la Poste. Gorgui Yacine Boye dirige au sein de cette société nationale aujourd’hui au bord de la faillite le Syndicat libre des Travailleurs du Groupe la Poste (SLTGP), né des flancs de la Syndicat libre du Groupe la Poste (SLGP), dont il est pourtant membre fondateur. En cause, « le manque de démocratie interne », argue-t-il, avec des dirigeants qui, comme dans certains partis politiques, aspirent à diriger le syndicat des postiers ad vitam aeternam, même après leur départ à la retraite (sic !).

Or, Gorgui Yacine Boye a la Poste dans la peau, lui dont le père, Mamadou Boye, ingénieur des télécommunications, a été le directeur de l’Ecole des Postes et des Télécommunications (dont le siège est aujourd’hui à Abidjan). Il est né et a passé le plus clair du temps de son enfance au sein de cet établissement panafricain qui était sis au quartier Keury Souf de Rufisque, le plateau de la vieille ville où les bâtisses coloniales constituent le décor naturel. Après la première année blanche de l’école sénégalaise en 1988 et un premier échec au bac, consécutif au climat délétère qui caractérisait cette période des « années de braise », il entre dans l’entreprise comme stagiaire, avant d’en gravir tous les échelons et devenir aujourd’hui l’un des cadres les plus en vue de la boîte.

A l’avant-garde des combats pour sauver la Poste, le désormais militant du Pastef, dont il a intégré la structure des cadres, est aussi très engagé dans les mouvements citoyens comme l’association pour la défense de la forêt classée de Mbao (où il vit désormais, à 3 km de son Rufisque natal), l’association pour la protection de la nature… Bref, il n’est plus aucun combat pour le développement de la communauté lebou, de Mbao à Bargny, où sa silhouette trapue d’ancien éclaireur n’est aperçue, malgré ses énormes charges professionnelles, syndicales et, maintenant, politiques.

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