Birame Souleye Diop en prison : la décapitation du Pastef, le parti d’Ousmane Sonko, continue !

Le N° 2 de Pastef a passé sa première nuit en prison mardi dernier, après avoir été inculpé d'offense au Chef de l'Etat, la panacée du juge sénégalais quatre décennies au moins. Après le secrétaire général du parti, Bassirou Diomaye Faye et quelques apparatchiks d'Ousmane Sonko, lui-même embastillé dans sa résidence de Dakar depuis plus d'un mois, c'est au tour de l'Administrateur général, Birame Souleye Diop, d'être placé sous mandat de dépôt après ses dérapages verbales, malgré qu'il se soit rétracté et excusé.

La recette est éprouvée dans tous les sports de combat : il faut frapper à la tête de l’adversaire autant que possible jusqu’à la mise à terre ou la mort. Dans le mortal kombat qui oppose le Président Macky Sall au leader de l’opposition sénégalaise, Ousmane Sonko, le premier a choisi de décapiter le parti politique du second, le Pastef / Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité. Pourtant on n’avait pas manqué d’espérer une trêve, voire une paix des braves entre les deux après le renoncement du Président Macky Sall à briguer un troisième mandat, ce qui serait conforme à la lettre de la Constitution du Sénégal révisée par ce dernier lors du référendum de 2016 : « Nul ne peut faire plus deux mandats consécutifs » (alinéa 2 de l’article 27). Même si, certainement pour se faire bonne figure et sachant pouvoir compter, le cas échéant, sur la casuistique forcenée de ses thuriféraires, dont son ministre de la Justice – qui aurait lui-même remanié le fondamental en vue dudit référendum -, le Président Sall a cru bon de signaler que la Constitution lui autorisait un autre mandat présidentiel, après de ceux de 2012 (avant référendum) et de 2019…

Birame Souleye Diop, envoyé en prison pour avoir prévenu contre un coup à la ADO de Côte d’Ivoire

Ainsi de trêve, il n’en eût point entre Macky Sall et son irréductible opposant. Sitôt faite l’annonce du Président Macky Sall, qui a l’heur de libérer tout un pays qui craignait des violences du même acabit que celles qui avaient occasionné des affrontements meurtriers entre manifestants et Forces de Défense et de Sécurité du 23 juin 2011 au 19 mars 2012, les hostilités verbales ont repris de plus belle entre les deux camps. Le camp présidentiel, reprenant à l’envi les accusations de terrorisme et d’incitation à l’insurrection à l’endroit du camp en face, lequel appelait à la résistance populaire et prévenait contre un probable coup de Jarnac, à la manière du Président Alassane Dramane Ouattara de Côte d’Ivoire qui, après avoir annoncé qu’il ne briguerait pas un troisième mandat présidentiel à 7 mois de la Présidentielle de 2020, a fini par se rétracter et se faire réélire.

Pour la petite histoire, ADO avait, lors de son annonce, désigné un dauphin en la personne de son ancien Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly. Seulement, à quatre mois de l’élection présidentielle, le destin s’en mêle et Coulibaly décède d’une crise cardiaque durant un… Conseil des ministres. ADO, certainement craignait pour ses arrières, se rétracte et va au charbon à la place du défunt. A son corps défendant, la Constitution ivoirienne, qu’il avait pris soin de réviser quelques mous auparavant. La suite, on la connaît !

Birame Souleye Diop, député à l’Assemblée nationale et président du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi (groupe majoritaire de l’opposition), a eu le malheur de comparer la situation de Macky Sall à celle d’ADO au lendemain de la fameuse annonce de Macky Sall lors de la réunion de Yewwi Askan Wi, la coalition de l’opposition dont Pastef est membre et dont il le président du groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. Enhardi par le renoncement présidentiel, il a lâché devant une assemblée acquise à sa cause et devant toute la presse nationale et internationale : prévient : « J’avertis les prochains candidats de l’APR (N.D.R : Alliance pour la République, parti du Président Sall). Evitez de manger chez Macky Sall et de boire son eau. il est capable de vous empoisonner et de revenir nous dire, comme on a plus de candidat, je vais présenter ma candidature, et de le faire à la Ouattara (N.D.R. : ADO) » .

Mandat de dépôt contre Birame Souleye Diop, malgré sa rétractation

Sitôt sa déclaration faite, la clameur s’est élevée de tous bords, en particulier de la société civile, pour fustiger les propos du député-maire et par ailleurs administrateur général du Pastef. Au point que Birame Souleye Diop a dû se rétracter devant la réprobation générale, la mention d’ADO, un Chef d’Etat d’un pays ami et frère, ayant particulièrement révulsé. L’honorable député s’est excusé publiquement et retiré ses propos maladroits. L’affaire aurait donc dû s’arrêter là, mais c’était sans compter le mortal kombat que le Président Macky Sall et son farouche opposant, Ousmane Sonko, fortement agacé par les brimades répétitives du régime, se livrent, le second appelant de tous ses vœux le « thiokifin » (la bataille finale en wolof argotique) qu’il juge inéluctable.

Le mercredi 05 juillet, Birame Souleye Diop est entendu par la Sûreté urbaine et placé en garde à vue pour, selon son avocat, Me Moussa Sarr, « diffamation commise par un membre de l’Assemblée nationale contre un Chef d’Etat étranger de nature à saper les relations diplomatiques de l’Etat », comme le relèvent de nombreux sites de la presse locale et, même, ivoirienne ( Voir par ex. koaci.com). Ce délit est prévu et puni par l’article 254 du Code pénal sénégalais relatif à l’offense au chef de l’État et la loi n°2977/87 d’août 1977 qui dispose : « L’offense commise publiquement envers les chefs d’État étrangers, les chefs de gouvernement étrangers et les ministres d’un gouvernement étranger sera punie d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans ».

Au final, Birame Souleye Diop sera inculpé le mardi 11 juillet par la justice sénégalaise pour « offense au chef de l’État » et « actes de nature à compromettre la paix publique ». Ouf, le bon voisinage est sauf ! Résultat : dans les prisons du Sénégal, se trouvent actuellement, outre plusieurs militants et sympathisants du Pastef (on les estime à près de 500), la quasi totalité des dirigeants. Bassirou Diomaye Faye, le secrétaire général adjoint, Fadilou Keita, membre du cabinet d’Ousmane Sonko, Mouhamed Bilal Diatta, responsable Pastef à Keur Massar, Serigne Assane Mbacké, responsable de Pastef à Touba,… Beaucoup d’autres, qui hument l’air de la liberté aujourd’hui, ont vécu la prison. Certains sont placés sous contrôle judiciaire, d’autres sous bracelet électronique comme le secrétaire national à la communication du Pastef, El Malick Ndiaye.

Last but not least, leur leader charismatique, Ousmane Sonko, condamné par contumace à deux (2) ans de prison ferme pour corruption de la jeunesse dans la fameuse affaire Sweet Beauty, est barricadé dans sa résidence dakaroise de Keur Gorgui, sans même la possibilité de recevoir ses propres avocats… Aussi bien, malgré le renoncement historique, parce que salutaire, du président de la République, Macky Sall, à un troisième mandat, le combat contre son principal opposant, Ousmane Sonko, est loin de connaître son épilogue. Le 15 juillet, le parti de ce dernier annonce l’investiture de son candidat, pourtant frappé d’inéligibilité par sa condamnation ; ce que Macky Sall aurait qualifié de « provocation ». Les 7 mois qui nous séparent de la Présidentielle de 2024 risquent d’être à hauts risques pour le Sénégal déjà fortement ébranlé par les émeutes meurtrières du début du mois de juin dernier qui ont suivi la condamnation d’Ousmane Sonko.

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